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SICK SAD WORLD

Daria

Le 3 mars 1997, MTV retransmet pour la première fois la série d’animation DARIA. Créée par Susie Lewis Lynn et Glenn Eichler, elle sera diffusée jusqu’en 2002.

Daria est un spin-off éponyme, dans lequel on suit la vie d’une adolescente non conventionnelle des années 90. Ce personnage a tout d’abord pu être découvert dans le dessin-animé Beavis et Butt-head, la série deviendra par la suite l’un des plus gros succès de la chaine.

Adepte du cynisme et du sarcasme : à travers 5 saisons et 2 films, Daria nous offre une vision réaliste du monde par la critique d’une société dans laquelle elle se sent prisonnière.

« The world is my oister…but I can’t seem to get it open »

Cette adolescente assoiffée de culture, passe son temps à lire et à examiner le monde qui l’entoure. Son attitude passive, que la plupart de son entourage n’arrive pas à comprendre, créer une certaine auto-suffisance qu’elle entretient par une mise à l’écart délibérée.

De plus son approche pessimiste de l’existence, agrandit le fossé déjà présent entre elle et les autres personnages. Cette misanthrope endurcie reste représentative du mouvement grunge post Kurt Cobain, entrant en conflit avec la pop culture de l’époque. La série se positionne ainsi comme le porte-parole en proposant une autre vision alternative des séries destinées aux jeunes. La chaine impose ainsi en tant que personnage principal, une fille tout sauf sexy et idiote (stéréotypes qui étaient habituellement utilisés) et nous offre un autre point vue davantage représentatif de la jeunesse. Un point de vue apparaissant comme plus pertinent et d’autant plus dérangeant. Abat l’hypocrisie et les faux semblants, Daria n’hésite pas à critiquer le comportement de ses homologues, en se positionnant comme leur première spectatrice. Elle ne se censure donc pas et aborde des thèmes tels que celui des genres, des origines ou de la société. Par la même occasion, elle remet en cause le rôle des médias, qui à son sens cherchent à s’enrichir sur la jeunesse.

Cette dernière prise de position peut être résumée en un seul épisode : « The Lost Girls » saison 3 épisode 5.

Dans celui-ci, le prof de Daria décide d’envoyer une de ses nouvelles à un magazine branché destiné aux adolescentes : Val magazine. Suite à sa sélection, Daria gagne la parution de son écrit, ainsi qu’une journée entière en compagnie de la rédactrice en chef Val. Cette femme égocentrique et obsédée par la jeunesse veut apparaitre comme une référence en matière de tendance et incarner un modèle pour les jeunes filles. Cela passe donc par l’emploie de l'argot et une superficialité à outrance. Lorsqu’elle se caractérise et par extension tous ses lecteurs, elle utilise l’expression « être à la pointe ». Ce personnage se place en totale opposition avec Daria, qui elle possède une autre définition du terme employé : « As far as I can make out, "edgy" occurs when middlebrow, middle-aged profiteers are looking to suck the energy - not to mention the spending money - out of the "youth culture." So they come up with this fake concept of seeming to be dangerous when every move they make is the result of market research and a corporate master plan. »

Daria résume ici la société de consommation ainsi que le fonctionnement des médias, dont les jeunes constituent la principale cible. Cette cible se distingue par sa culture au sens large, représentative de son style de vie. Ses habitudes sont étudiées, pour pouvoir mieux répondre à ses besoins. Après une assimilation des codes, les firmes se réapproprient ces caractéristiques, pour ensuite mieux les revendre. La spontanéité de la jeunesse disparaît, car elle se voit dénaturée par une multitude d’études de marché.

Le plus ironique est que cette dénonciation violente effectuée par MTV à travers son émission, correspond parfaitement au comportement adoptée par la chaine, qui s’est toujours positionnée comme la passerelle entre le mainstream et l' underground. Val en se proclamant égérie d’une jeunesse perméable en quête de nouveauté, profite d’elle, tout en valorisant son égo. Peut-être en en ayant conscience ou avec un peu d’ignorance, elle parle d’un monde auquel elle n'appartient pas mais mais qu'elle croit connaître dans ses moindres détails. On fait donc face à une surenchère tout au long de l’épisode, pour rester « pointue » elle n’hésite pas à se plier aux exigences qu’impose le mouvement jeune. Cette idée évoquée en 1999 dans cet épisode de Daria reste toujours actuelle, et le restera dans les années à venir. Dans une société de mass-market de plus en plus intense, les jeunes pèsent un poids important et il est nécessaire de constamment les satisfaire. Des figures à l’affût d’adolescents en quête de représentations, tirent leur épingle du jeu. Sont-elles à blâmer ? Si l’on se place de l’autre côté du miroir, la majorité des jeunes ne s’en plaignent pas et adhèrent même à ce jeu. On note dans la série l’engouement de tous les élèves du lycée Lawndale, à l’arrivée de Val. Que se soit Quinn, la sœur de Daria, ou le couple typique "quarterback x pom-pom girl", tous idolâtrent Val.

Plus largement, il est difficile d’échapper à ce cercle vicieux, qui valorise une uniformisation des individus derrière une figure unique. Celle-ci, va tenter d’anticiper les tendances, afin de conserver une certaine emprise sur un mouvement. En supposant que ce fonctionnement est nocif, Daria nous offre à mon sens une porte de sortie : en analysant chacune des choses que l’on perçoit, en remettant en perspective chacune des informations que l’on reçoit. Cette philosophie d’adolescente des années 90 peut donc encore correspondre à notre époque, le temps passe, les modes et les idoles aussi, mais le corps de notre société reste le même.

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